Pesticides : la course à la puissance
La banalisation des pesticides dans l’agriculture et la diffusion de substances insecticides extrêmement puissantes contribuent à baigner les abeilles dans un environnement toxique. Dans des régions de grandes cultures, une butineuse, en visitant plusieurs centaines de fleurs par jour, s’intoxique en confectionnant des pelotes de pollen et en prélevant du nectar de fleurs contaminé. Les pollutions de l’air et de l’eau, par les pesticides notamment sont suspectées de contribuer à affaiblir l’immunité des abeilles, guêpes et de nombreux autres insectes dont les populations sont en régression.
Depuis
la seconde guerre mondiale, des nouvelles générations de produits se
succèdent, toujours plus puissantes, toujours plus concentrées. Fin des
années 1960- début des années 1970, les organophosphorés (par exemple,
le phosalone) et les carbamates (dérivés de l’acide carbamique) prennent
la relève du DDT et des organochlorés. Dans les années 1970, apparaît
une nouvelle famille d’insecticides, les pyréthrinoïdes, à la structure
et aux effets comparables aux pyrètres naturels (tirés de la plante du
même nom et du chrysantème). source :
https://www.futura-sciences.com/planete/dossiers/zoologie-surmortalite-abeilles-enigme-encore-non-resolue-1010/page/3/
Parmi
les pyréthrinoïdes les plus connus, citons la deltaméthrine, utilisé
pour lutter contre la chrysomèle, un coléoptère ravageur des cultures du
maïs. Courant des années 1990, apparaissent les néonicotinoïdes, des
molécules apparentées à la nicotine qui se fixent sur les récepteurs
neuronaux. Le plus connu est l’imidaclopride, commercialisé sous le nom
de Gaucho, aujourd’hui largement utilisé en France sur les céréales
(blé, orge, avoine…). Autre « vedette », le fipronil de la famille des
phényls pyrazoles est la matière active du très controversé Régent-TS®.
Les
insecticides néonicotinoïdes tuent les insectes par choc neurotoxique :
la substance se fixe sur des récepteurs neuronaux et perturbe les
neurotransmetteurs de façon irrémédiable, en bloquant le transport des
ions et donc l’influx nerveux. Pour cela, il suffit d’employer des doses
très faibles (de l’ordre de 30 à 70 grammes de matière active par
hectare). Selon Jean-Marc Bonmatin, chimiste au CNRS, néonicotinoïdes et
fipronil sont 5 à 7.000 fois plus toxiques pour les abeilles que le
DDT.
Des produits mortels pour les abeilles à des doses infimes
Les nouvelles substances chimiques sont opérantes à l’échelle du milliardième de gramme (nanogramme) voire moins. Selon Luc Belzunces, chercheur à l’Inra, « l’ingestion d’un picogramme d’imidaclopride par jour (un millième de milliardième de gramme) suffit à tuer une abeille en dix jours »! (1). Soit des traces infimes de produit, largement inférieures à celles retrouvées dans le pollen ou le nectar des plantes traitées. Autre souci, l’insecticide néonicotinoïde persiste dans l’environnement. C’est ce que l’on appelle la rémanence. Tant la matière active de ces insecticides que leurs métabolites (parfois encore plus destructeurs) tuent « silencieusement » mais systématiquement les insectes en contact avec ces substances.
Pour son voyage de retour, elle consomme une partie du nectar récolté et peut ainsi absorber jusqu’à plusieurs centaines de picogrammes de substance toxique active par jour. Les nourrices, chargées de soigner le couvain (les œufs, larves, nymphes abrités dans les alvéoles en cire), consomment de grandes quantités de pollen les premiers jours de leur vie (jusqu’à 60 mg les huit à dix premiers jours de leur vie).
En
zone de cultures intensives, le pollen qui a servi à la confection du
pain d’abeilles risque fort d’être contaminé. Les nourrices peuvent
ainsi absorber entre 40 et 160 picogrammes de matière active par jour
(1). Au bout de quelques jours, une larve peut ingérer jusqu’à plusieurs
dizaines de picogrammes d’imidaclopride (plus de 80 pg au bout de cinq
jours) lorsque le pollen et le nectar d’origine ont été contaminés.
(1)
Luc Belzunces, directeur de l’UMR-Université Avignon et Pays de
Vaucluse « Abeilles et environnement » cité dans « Le déclin des
abeilles, un casse-tête pour la recherche », Inra Magazine N°9. Juin
2009.
Un bain toxique pour les abeilles
Aussi,
suspecte-t-on de plus en plus une forme d’empoisonnement lent de
l’abeille dès le stade larvaire : une intoxication chronique qui
expliquerait la fragilisation de la colonie et un fort risque
d’effondrement. Même si l’on a du mal à isoler dans la réalité ce
phénomène, la vulnérabilité du couvain à l’exposition chimique et en
particulier aux neurotoxiques, semble très plausible.
(1) Source :
rapport du comité scientifique et technique de l’étude multifactorielle
des troubes de l’abeille, « Imidaclopride utilisé en enrobage de
semences (Gaucho) et troubles des abeilles », septembre 2003.
Les
travaux mettant en évidence les effets sublétaux des insecticides sur
les abeilles ne manquent pas. Des quantités infimes de produits
chimiques suffisent à perturber des comportements vitaux tels que
l’échange de nourriture, la communication par les antennes, les danses
tremblantes (danses servant à indiquer aux autres abeilles la
localisation et l’abondance des sources de nectar). Les néonicotinoïdes
en particulier, en mettant à mal les facultés d’orientation,
d’apprentissage et de mémorisation (essentielles pour la localisation
des sources de nectar) des butineuses, et même de thermorégulation de la
colonie, pourraient contribuer à ruiner la cohésion de la colonie et à
précipiter sa chute.
(1) Travaux de Cox&Wilson 1984 cités par Marc-Edouard Colin, docteur vétérinaire, Centre de patho-vigilance Sup-Agro à Montpellier. Intervention à Apimondia, Montpellier, 17 septembre 2009.